Québec suspend le recrutement des infirmières en Afrique pour des raisons éthiques : une décision réfléchie et nécessaire
Le Québec, bien décidé à poursuivre le recrutement d’infirmières à l’international, a pris une décision majeure en excluant certains pays, notamment le Maroc et le Cameroun, de sa liste de destinations. Cette décision intervient après deux années de recrutements intensifs, où près de 1000 infirmières africaines, principalement issues du Cameroun, du Maroc et de la Côte d’Ivoire, ont été intégrées au système de santé québécois.
Avec un budget de 65 millions de dollars, le programme avait suscité un véritable engouement, au point que le gouvernement envisageait encore de recruter 235 candidats supplémentaires pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, sous la pression de plusieurs gouvernements africains et d’organisations internationales, le Québec a décidé de revoir sa stratégie de recrutement. “Le Maroc nous a demandé de cesser de recruter leurs infirmiers d’État à partir du second trimestre de 2024, une demande que nous avons respectée”, explique une porte-parole du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).
Le coût de la formation et la pénurie de main-d’œuvre au cœur des débats
Les raisons invoquées par les pays africains sont claires : ils investissent lourdement dans la formation de leurs professionnels de santé, et le départ massif de ces derniers représente une menace pour leurs systèmes de santé déjà fragilisés. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Maroc ont donc exprimé leur volonté de limiter les recrutements, craignant que cela n’aggrave leur propre pénurie de personnel médical.
Dans d’autres cas, c’est le Québec lui-même qui a pris l’initiative d’arrêter le recrutement, afin de ne pas exposer les populations locales à des risques sanitaires, malgré le fort taux de chômage observé dans le secteur de la santé dans certains de ces pays.
Une réaction saluée par la communauté internationale
Souriya Otmani, ambassadrice du Maroc au Canada, a exprimé sa satisfaction face à cette décision. “En agissant ainsi, le Québec a fait preuve d’une grande réflexion et d’un sens de l’éthique irréprochable”, a-t-elle déclaré. Elle a également souligné l’ampleur du phénomène : chaque année, des centaines, voire des milliers d’infirmiers marocains quittent leur pays pour le Canada, l’Europe ou les pays arabes, exacerbant la pénurie de personnel médical sur place.
Cette décision n’est pas passée inaperçue sur la scène internationale. Lors du congrès international des infirmières qui s’est tenu à Montréal en juillet 2023, la question du recrutement des pays en voie de développement a occupé une place centrale. Lisa Little, première vice-présidente du Conseil international des infirmières, a salué cette initiative du Québec, la qualifiant de “recrutement éthique”. Selon elle, “la première étape est de cesser de recruter dans les pays figurant sur la liste de l’OMS”, laquelle inclut le Cameroun et la Côte d’Ivoire.
Un tournant pour le recrutement international
Si le Québec a mis un terme à ses activités de recrutement dans plusieurs pays africains, d’autres destinations restent dans son viseur. Des campagnes de prospection et de recrutement ont notamment été menées en Tunisie, au Liban et dans plusieurs pays du Golfe, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ces pays, tout en étant eux-mêmes touchés par des défis locaux, offrent encore des opportunités de collaboration.
Le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, rappelle que ce vaste programme de recrutement vise à répondre à une pénurie de personnel sans précédent dans le système de santé québécois. Toutefois, il insiste sur le fait que ces activités se déroulent dans le respect des normes internationales, notamment celles de l’Organisation internationale du travail, et dans un esprit de collaboration avec les pays concernés.
Un effort vers l’autosuffisance
Face à la pénurie de personnel de santé, le Québec s’est tourné vers l’international pour combler ses besoins. Depuis 2021, cette stratégie a permis de recruter plus de 4000 travailleurs de la santé, principalement en Afrique. Parmi eux, la grande majorité des infirmiers recrutés ont terminé leur formation et travaillent désormais au Québec.
Cependant, le Québec ne perd pas de vue l’importance de devenir autosuffisant. Si les efforts de recrutement à l’étranger continuent, ils se font désormais dans un cadre plus éthique, respectueux des besoins des pays d’origine, afin de ne pas fragiliser davantage les systèmes de santé des nations les plus vulnérables.
Cette décision, largement applaudie par la communauté internationale, marque un tournant dans la manière dont les pays riches doivent envisager leur recrutement de main-d’œuvre. Le respect des populations locales et la préservation des systèmes de santé sont désormais au cœur des préoccupations, et le Québec, en prenant cette décision, se positionne en pionnier d’un recrutement éthique à l’échelle mondiale.
Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2108988/recruter-infirmieres-afrique-ethique-caq-maroc-tunisie
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